Plusieurs éléments pour une seule opération : quel taux de TVA ?
Lorsqu’une opération est composée de plusieurs éléments, la question se pose des modalités de facturation de la TVA. Faut-il appliquer un régime unique à ces différents éléments ou leurs propres régimes, parfois distincts ? Un arrêt du Conseil d’État rendu récemment détaille très clairement les éléments permettant de qualifier une opération complexe unique et une prestation accessoire non indépendante au titre de la TVA.

Les faits
Une société a conclu avec une autre société un bail commercial portant sur la location de deux immeubles équipés qu’elle s’engageait à construire, l’un destiné à accueillir un village de vacances et comprenant quelques chambres pour le logement du personnel, l’autre entièrement dédié au logement du personnel du village de vacances.
L’administration fiscale, à l’occasion d’une vérification de comptabilité de la société bailleresse, a estimé qu’il y avait lieu d’analyser distinctement, d’une part, la prestation consistant dans la location de locaux destinés à l’accueil des vacanciers, opération imposable à la TVA en application des dispositions combinées des a et c du 4° de l’article 261 D du Code général des impôts (CGI) et, d’autre part, la prestation consistant dans la location de locaux dédiés au logement du personnel, opération exonérée de taxe en application des dispositions du même 4°. En conséquence, elle a partiellement remis en cause la déduction de la TVA ayant grevé la construction et l’équipement des immeubles, à laquelle la société avait procédé, ce que la société conteste.
La décision
Le Conseil d’État rappelle qu’il existe une prestation unique lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable.
Il relève que l’ensemble des locaux concourait à la même finalité économique, consistant en l’exercice d’une activité d’exploitation d’un village de vacances. En outre, il ressort des termes mêmes du bail qu’il portait sur la location de l’ensemble des locaux qui s’y trouvaient désignés, sans que fût ouverte aux parties la faculté de renoncer à la location d’une partie de ces locaux, et alors que la location distincte des quelques chambres prévues pour le logement du personnel au sein même de l’immeuble aurait, du reste, été matériellement impossible, et d’autre part, que ces chambres ne donnaient pas lieu à un loyer distinct de celui prévu pour la location de l’ensemble de l’immeuble.
Il rappelle par ailleurs qu’une opération économique constitue une prestation unique lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale, alors que d’autres doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale.
Il relève à ce titre que la prestation, consistant pour le preneur, dans la prise en location de locaux meublés destinés au logement de son personnel à proximité immédiate du village de vacances qu’il exploite, constituait un moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation consistant dans la prise en location des locaux destinés à accueillir le village de vacances lui-même. En outre, pour la société bailleresse, la valeur de la prestation consistant dans la location de l’immeuble dédié au logement du personnel représentait une part minime dans le loyer total prévu par le bail pour la mise à disposition de l’ensemble immobilier.
Il décide donc que la location du village de vacances constitue une opération complexe unique, soumise à la TVA, et que la location de l’immeuble destiné au personnel constitue une prestation accessoire non indépendante de la location du village de vacances et doit, dès lors, être elle aussi soumise à la TVA. Par suite, la société bailleresse était en droit de déduire la totalité de la TVA ayant grevé la construction et l’équipement de ces immeubles (CE 8-10-2025 n° 492157).
Opération complexe unique : les éléments de qualification
Principe. Chaque opération imposable à la TVA est considérée comme étant distincte et indépendante et suit son régime propre déterminé en fonction de son élément principal ou de ses éléments autres qu’accessoires (CGI, art. 257ter, I). Néanmoins, dans certaines situations, il convient de regrouper différents éléments en une seule opération.
Exception : regroupement d’éléments divers en une seule opération. L’administration distingue deux situations qui conduisent au regroupement d’éléments divers en une seule opération (BOI-TVA-CHAMP-60-20) :
- les différents éléments qui composent l’opération en cause sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ;
- un ou plusieurs élément(s) doi(ven)t être considéré(s) comme constituant l’opération principale alors que d’autres éléments doivent être regardés comme accessoires.
Une seule prestation économique indissociable. Il existe une prestation unique lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable. Pour caractériser une telle opération complexe unique, il convient d’identifier les éléments caractéristiques de l’opération en cause, en se plaçant du point de vue du consommateur moyen. Le faisceau d’indices auquel il est recouru dans ce but comprend différents éléments, les premiers, d’ordre intellectuel et d’importance décisive, visant à établir le caractère indissociable ou non des éléments de l’opération en cause et sa finalité économique, unique ou non, les seconds, d’ordre matériel et n’ayant pas une importance décisive, venant, le cas échéant, au soutien de l’analyse des premiers éléments, tels que l’accès séparé ou conjoint aux prestations en cause ou l’existence d’une facturation unique ou distincte.
Des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. Une opération économique constitue une prestation unique lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale, alors que d’autres doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. À cet égard, un premier critère à prendre en considération est l’absence de finalité autonome de la prestation du point de vue du consommateur moyen. Ainsi, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire. Un second critère, qui constitue en réalité un indice du premier, tient à la prise en compte de la valeur respective de chacune des prestations composant l’opération économique, l’une s’avérant minime, voire marginale, par rapport à l’autre.
À noter. Ces deux cas de figure ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. En effet, il est possible qu’un élément principal et un élément accessoire soient si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une prestation économique indissociable. Il est ainsi possible de conclure à l’existence d’une opération unique sans s’être interrogé sur l’importance respective des différents éléments qui la composent.
Quel taux de TVA ? Lorsqu’une opération complexe comprend plusieurs éléments autres qu’accessoires relevant de taux différents, le taux applicable à l’opération est le taux le plus élevé (ce taux n’étant pas nécessairement le taux normal) (CGI art. 278-0). Lorsqu’une opération unique comprend des éléments dont certains sont principaux (non accessoires) et d’autres accessoires, le taux applicable à l’opération est celui de l’élément principal (CGI art. 257 ter, II).
CE 8-10-2025 n° 492157
© Lefebvre Dalloz